Domaine Roque Sestiere
RENCONTRES VIGNERONNES
Domaine Roque Sestiere
Thierry Fontanille, vigneron au domaine Roque Sestiere à Luc sur Orbieu, a fait sa première vendange en 2014. Un rêve devenu réalité alors qu’il avait plus de 50 ans ! Focus sur une heureuse reconversion.
Pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers la vigne ?
Tout simplement par plaisir, et pour assouvir une passion. Celle de l’agriculture, et plus précisément celle de la culture de la vigne et de la vinification. Je suis moi-même fils d’agriculteur, mais dans un autre domaine : élevage et production de noix. Auparavant, ma femme et moi étions déjà entrepreneurs. Nous avions une entreprise de location de véhicules avec chauffeur et employions une centaine de personnes. Ce qui nous plaît dans cette reconversion, c’est le fait de commercialiser un produit que nous élaborons nous-mêmes.
Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur les Corbières ?
Tout d’abord, nous avons toujours eu un faible pour les Corbières ! Et puis nous connaissions un salarié du domaine, Olivier. C’est lui qui nous l’a fait connaître, et d’ailleurs il nous accompagne depuis le rachat ! Le domaine nous a plu immédiatement. Il fut créé en 1973 par Jean Bérail, un précurseur qui travaillait essentiellement le vin blanc. Sur un ancien bâtiment, on lit encore l’inscription « Roque Sestiere, le blanc sec des Corbières » ! M. Bérail s’est fait connaître très tôt pour son blanc, à une époque où il n’y avait quasiment que du rouge en Corbières. Nous avons poursuivi….
Comment vous êtes-vous formé ?
Nous avons passé un an à la cave avec le gendre de M. Bérail, M. Lagarde, et avons gardé son salarié. Durant cette année très riche, qui s’est apparentée à un « stage intensif », nous avons ouvert grand nos oreilles ! La vinification était vraiment notre passion, c’est pour cela que nous étions venus. Et puis notre plus jeune fille, qui venait de s’inscrire en BTS viti/vinicole en alternance, a participé à ce stage et continue, depuis, de travailler à nos côtés.
Comment se présente le domaine ?
Nous possédons de vieilles vignes bien exposées, dont les petits rendements sont de grande qualité. Le domaine s’étend sur 20 hectares aujourd’hui, car nous avons racheté dans le voisinage de Luc des parcelles plantées de vieux Carignan afin de faire du rosé et du rouge.
Qu’est-ce qui a changé dans l’offre de Roque Sestiere depuis votre arrivée ?
Les rouges existaient déjà en petites quantités. Nous y avons adjoint une production de rosé importante. La raison en est que c’est une couleur à la mode, qui se vend rapidement. Alors que la production du domaine était auparavant de 70% de blanc et 30% de rouge, elle est aujourd’hui composée de 50% de blanc, et 50% de rosé et rouge.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le fameux « blanc sec de Roque Sestiere » ?
En vérité, nous en avons deux !
- Le Carte Noire, très connu dans le coin, représente notre fond de commerce. Il s’agit d’un blanc sec à base de Maccabeu et de Grenache, avec des pointes de Vermentino et de Bourboulenc pour lui apporter une touche de joie et de rondeur.
- Quant à notre blanc Vieilles Vignes, il est issu, comme son nom l’indique, d’une sélection de raisins de très vieilles vignes, vendangés manuellement, et se déguste pendant tout le repas grâce à son gras et sa longueur en bouche.
Les deux cuvées ont leur place car leur mode de consommation est différent. Roque Sestiere étant un petit domaine, nous tâchons de faire en sorte que nos vins ne se fassent pas de concurrence entre eux.
Comment vous y êtes-vous pris pour créer votre rosé ?
Nous avons essayé d’en faire dès notre arrivée. Pour cela, nous avons prélevé du raisin sur l’ancien volume de rouge. Il est composé de Syrah et d’un peu de Grenache, que l’on vinifiie à froid, exactement comme les blancs. Notre rosé convient aussi bien à l’apéritif qu’au repas. Il plait beaucoup et rencontre un vrai succès commercial ! Si nous le pouvions, nous en ferions le double ! Malheureusement, en raison du gel et de la sécheresse qui ont sévi cette année, ce n’est pas à l’ordre du jour…
Quid des rouges de Roque Sestiere ?
Nous en avons deux :
- L’Orée de Pins est élevé en cuve inox pour rester le plus gourmand possible et au plus près de la nature du raisin.
- Carte Blanche est une sélection de vignes plus vieilles, élevé 12 mois en fut de chêne.
Comme pour les blancs, ce sont deux vins qui ne sont pas faits pour être consommés au même moment.
Quelles dispositions avez-vous prises par rapport à l’environnement ?
Nous sommes certifiés HVE3 depuis 2016 déjà. Nos clients, très sensibles au raisonné, ont bien compris l’HVE. Je souhaiterais cependant que le label HVE prenne plus de poids, qu’il soit mieux défini et ses critères plus approfondis. Pourquoi, par exemple, ne pas y intégrer le bilan carbone ? Cela serait très bénéfiques pour nos relations commerciales avec les Pays du nord de l’Europe, très sensibles à ce type d’argument.
Comment vendez-vous votre production ?
Nous vendons 100% de notre vin en direct. Ma femme et moi prenons notre petit camion et nous déplaçons de marchés en salons…
Quel bilan tirez-vous de cette courageuse reconversion « sur le tard » ?
J’avais 54 ans quand j’ai décidé de racheter le domaine. Mon seul regret est de ne pas l’avoir fait 10 ans plus tôt ! Je ne mesurais pas alors le temps qu’allait nous prendre la commercialisation… Nous avons passé la majeure partie de ces dernières années sur la route, alors que nous aurions aimé profiter davantage de ce qui nous a attiré dans les Corbières : la vigne et la cave.