Delphine Tibie
RENCONTRES VIGNERONNES
Delphine Tibie
Interview de Delphine Tibie du domaine de la Combe Grande
Delphine Tibie, vigneronne au Domaine de la Combe Grande à Camplong d’Aude (et prof de judo !), a seulement 30 ans. Rencontre avec une représentante de la jeune garde féminine made in Corbières.
Comment êtes-vous devenue vigneronne ?
Ça a toujours été mon rêve, depuis toute petite. Mes parents sont vignerons. Je vis sur le domaine depuis toujours, et n’ai jamais quitté la famille.
Le domaine Combe Grande est donc une entreprise familiale ?
Tout à fait. Mon père Jacques, ma mère Christine, et moi travaillons ensemble. Et mon conjoint César nous a rejoint en 2017.
A quelle époque remonte la naissance du domaine ?
Mon père a commencé avec 12 hectares, qui lui venaient de son père et sa mère. C’est lui qui, progressivement, a élargi l’exploitation jusqu’à 75 hectares. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à 84 hectares répartis entre Montlaur et Camplong, dont 54 sont en appellation Corbières.
Que signifie Combe Grande ?
Le mot « combe » désigne un vallon. Notre domaine tire donc son nom d’une grande combe de l’Alaric.
Quel est votre parcours ?
J’ai suivi des études au lycée agricole Charlemagne de Carcassonne, puis fait un BTS technico-commercial dans les spiritueux, et enfin une licence à SupAgro Montpellier, filière responsable commerciale en vins. Je suis installée Jeune Agricultrice depuis juin 2018… C’est assez récent !
Qu’est-ce qui a changé pour vous lors de votre installation en tant que JA en 2018 ?
En fait, comme j’ai fait ma licence en contrat professionnel sur le domaine, j’y travaille en réalité depuis 2012. En 2018, j’ai simplement repris les parts de mon père. Nous avons 3 structures : le GFA qui possède les terres et qui appartient à mon père, une SCEA qui appartient à ma mère et moi pour l’exploitation (plantations et matériel), et une SARL (Les Vignobles Sournies-Tibie) qui est notre société de négoce.
Quelle est la production du domaine ?
Notre production est de 135 000 bouteilles et 2000 hectolitres en Bag In Box de 3, 5, 10 et 20 L. Nous vendons aussi en moyenne 1500 hectolitres par an en vrac.
Comment commercialisez-vous vos vins ?
Nous nous appuyons sur beaucoup de cavistes et grossistes en France, puis vendons aussi une petite partie directement au caveau (moins de 5%) et à quelques restaurateurs.
Avez-vous recours à l’export ?
Oui, nous exportons une petite partie de notre production vers le Brésil, la Belgique et la Suède.
Quelles sont vos initiatives ou projets pour la protection de l’environnement ?
Nous sommes labellisés HVE3 depuis l’an dernier. En ce qui concerne la conversion au bio, il est difficile de l’envisager sur nos 84 hectares. Cependant je pense que le bio est l’avenir. Donc nous avons le projet de créer une autre petite entité, destinée à produire en bio une partie de notre gamme de vin en bouteilles.
Quelle est la gamme de vins du Domaine de la Combe Grande ?
Nous proposons une large gamme en bouteilles : une gamme en Corbières, dont 3 rouges et un rosé baptisé Jusqu’à la dernière…, une gamme rouge et rosé en Pays d’Oc, et une cuvée Gourmandise ainsi qu’un blanc en Vin de France. Nous avons aussi une gamme Bag In Box rouge, rosé et blanc en Corbières, IGP Pays d’Oc et Vin de France.
Quelles sont les cuvées phares du domaine ?
Ce sont sans conteste nos 3 Corbières rouges.
- La cuvée Rubis, notre Corbières Tradition : un assemblage de Grenache, Carignan, Syrah et Mourvèdre, vendangés à la main et vinifiés en macération carbonique - sauf la Syrah, qui est vendangée à la machine et égrappée. Une cuvée très fruitée et facile, un vin de plaisir à boire dans les 2 ou 3 ans, qui se marie avec beaucoup de plats.
- La cuvée Ramonetage est constituée du même assemblage que la cuvée Rubis, avec une dominante de Mourvèdre. Passé en barrique, il garde du fruit, avec un petit côté vanillé et boisé. Le temps de garde est supérieur - jusqu’à 7 ou 8 ans. Il va très bien sur des viandes rouges - surtout des magrets !
- La cuvée Roc de l’Espère, produite en plus faible quantité, est un rouge vinifié en barriques. Au fond de la Combe Grande, se trouve un rocher nommé Rocher de l’Espère. C’est là où les chasseurs attendaient le lapin, pleins d’espérance… Pour nous, ce lieu et cette cuvée représentent l’espérance d’arriver à faire un vin haut de gamme sur le domaine. Il est toujours constitué des 4 mêmes cépages, vendangés à la main et vinifiés en macération carbonique. Mais avant que les sucres soient terminés, on pressure pour récupérer les premiers jus de coule, puis on le met en barriques de fût de chêne, neuves et françaises. C’est dans ces barriques que finit la fermentation. On soutire, on enlève les lies et on le remet 7 à 8 mois dans les mêmes barriques. Ainsi on obtient un vin structuré, très complexe, qui s’accorde parfaitement avec tout ce qui est gibier, viandes rouges et fromage, mais que j’aime aussi conseiller à l’apéritif… car il n’y a pas de raison pour qu’un vin évolué soit exclu de l’apéritif, bien au contraire !
Petite question de traduction, pour nos lecteurs non languedociens : pouvez-vous préciser l’origine du nom de la cuvée Ramonetage ?
Ce nom languedocien est typique du Midi ! Il désigne l’endroit où l’on stocke actuellement les barriques, et fait référence au fait que par le passé, c’est ici que vivait le « ramonet », l’ouvrier agricole chargé des cultures et du soin des chevaux sur le domaine.
Comment êtes-vous organisée pour gérer tout le travail du domaine ?
Mon père est toujours salarié bien qu’il prenne sa retraite l’an prochain, et se consacre principalement à la partie vignoble. Mon conjoint s’occupe des vinifications et du conditionnement, ma mère des livraisons et de la préparation des commandes, et moi de la partie administrative et du commerce. Mais nous sommes, évidemment, tous polyvalents ! Nous avons aussi un employé sur Montlaur, un autre sur Camplong, et employons des saisonniers pour la taille et les vendanges. Les vendangeurs sont des Espagnols, surtout des couples, toujours de la même famille, qui se succèdent de génération en génération. Ils possèdent des oliviers en Andalousie, et viennent nous aider pendant la période creuse en Andalousie.
Quels sont vos rêves pour le domaine ?
J’espère développer les ventes bien sûr - surtout sur la partie bouteille, et dégager assez de revenus pour pouvoir continuer à restaurer tous les corps de bâtiments et domaines que nous possédons : 2 caves sur Camplong, la maison de famille où se trouve le caveau de vente, une remise, le ramonetage, etc.
Souhaitez-vous à terme faire uniquement de la bouteille ?
Développer notre image pour la vente en bouteille fait partie de nos priorités. Cependant nous préférons à ce jour continuer à jouer sur les 3 tableaux : bouteille, BIB et vrac. Parce que mon père a connu diverses crises, parce que les cours du vrac sont parfois difficiles, et que les marchés BIBs et bouteille fluctuent aussi. Finalement ces 3 marchés bien distincts nous permettent d’ajuster notre stratégie suivant les années, pour toujours nous en sortir.
Que faites-vous, quand vous n’êtes pas au vignoble ?
Je suis aussi professeur de judo. Je donne une dizaine d’heures de cours par semaine à la MJC de Lézignan-Corbières, à des élèves âgés de 3 ans à… pas d’âge ! Une centaine de licenciés au total. Le fait d’avoir cette activité supplémentaire me permet de ne pas rester toujours dans le même état d’esprit, et de poursuivre un loisir que je pratique depuis l’âge de 5 ans. Finalement, j’exerce les 2 métiers que je veux faire depuis toujours !
Le petit mot de la fin ?
Nous organisons des apéritifs dégustations au caveau pendant l’été. Tous les 15 jours les jeudis, nous faisons déguster toute notre gamme de vins et offrons un apéritif à base de produits régionaux (tapenade, saucisse, pâté, etc.) que l’on achète aux producteurs du coin. Un producteur d’huîtres de l’étang de Thau se joint à nous et vend sa production. Cela permet de passer une bonne soirée, conviviale et plaisante !