Château Fabre Cordon
RENCONTRES VIGNERONNES
Château Fabre Cordon
Amandine Fabre, vigneronne au château Fabre Cordon à Peyriac-de-mer, fête en 2021 les 20 ans du domaine. L’AOC Corbières la rencontre avec son père Henri, qui continue de lui prêter main forte. Une belle complicité qui se lit dans leurs yeux et se traduit dans le quotidien, et les vins !
Que représente à vos yeux le château Fabre Cordon ?
Amandine, la fille : Le mas a été acheté par mes parents en 1985. Mon père était alors coopérateur aux caves Rocbère, et aussi régisseur d’un domaine de Narbonne. Ma mère travaillait au Château de Lastours en tant qu’éducatrice spécialisée pour les handicapés, et les amenait à la vigne. Dans un premier temps, mes parents apportaient les raisins à la cave coopérative. Mais ils avaient de tout petits rendements et travaillaient en bio, donc ils n’étaient pas vraiment en phase avec l’esprit de la coopérative. Donc ils ont fini par créer leur cave particulière en 2000. Mon père avait 50 ans. C’était courageux !
Pourquoi cette décision de partir en cave particulière ?
Henri, le père : Ma femme et moi avions envie de fonder une cave particulière depuis longtemps mais on craignait un peu les difficultés, notamment les investissements… Parce qu’à la coopérative, nous ne gagnions peut-être pas grand-chose, mais l’argent tombait tous les mois et on n’avait pas à vendre le vin. Mais nous nous sommes lancés à l’aventure ! D’un métier, on est passé à trois.
N'avez-vous jamais regretté cette décision ?
Henri, le père : Jamais ! C’est beaucoup plus valorisant, et puis nous sommes très fiers de notre produit. Finalement, puisqu’on aime notre métier et nos vins, il nous est plutôt facile de les vendre.
Comment s’est passé votre passage en bio ?
Amandine, la fille : Le domaine est certifié Bio depuis 2010 mais cela faisait déjà plusieurs années que mes parents travaillaient ainsi.
Henri, le père : La transition s’est échelonnée sur plusieurs années. Hormis du soufre et un peu de cuivre, j’ai progressivement tout abandonné dans les années 80.
Avez-vous constaté plus de maladies dans vos vignes ?
Henri, le père : Au contraire, je me rendais compte que mes vignes non traitées se défendaient mieux naturellement que d’autres en agriculture conventionnelle. Elles avaient retrouvé leur système naturel d’auto-défense.
Cultivez-vous autre chose que la vigne en bio ?
Henri, le père : Nous cultivons aussi des oliviers, qui ne sont pas encore arrivés en production. Nous les avons plantés il y a 3 ou 4 ans seulement. Ici, nous menons une bio poussée : les arbres se débrouillent. On entretient le sol en tondant, et c’est tout. C’est « marche ou crève » (rires) ! Et les oliviers sont magnifiques. Ils sont déjà plus grands que nous.
Quand avez-vous pris la relève de vos parents ?
Amandine, la fille : Ma première vinification date de 2011. J’ai fait des études d’œnologie et une fin de cycle d’ingénieur pour la partie commerce/management/marketing/gestion/etc. Heureusement car au final, je consacre environ 70% aux parties administrative et commerciale, et le reste à l’œnologie. Je ne vais pas trop à la vigne car je n’ai pas le temps. Avant, c’était ma mère et mon père qui soignaient la vigne. Ma mère étant décédée, c’est désormais un ami d’enfance que Papa forme qui s’en occupe.
Avez-vous eu des expériences professionnelles hors du domaine familial avant de vous y installer ?
Amandine, la fille : Oui, j’ai passé un an aux États-Unis à la fin de mes études, ce qui m’a beaucoup apporté sous l’angle commercial, surtout dans la façon qu’ils ont d’appréhender la clientèle, l’accueil… J’avais carte blanche. Ils m’ont laissé une voiture et j’ai sillonné la Virginie de long en large ! En 2011, je suis aussi partie faire une vinification en Nouvelle-Zélande. J’y ai découvert de bonnes techniques pour travailler les blancs.
De quoi se compose votre gamme de vins ?
Amandine, la fille : Nous avons au total une dizaine de cuvées, nous aimons mettre en avant chaque particularité de notre vignoble ! Deux blancs, un pur Grenache Blanc, charnu et minéral à la fois, et l’Autre Blanc en AOC Corbières. Un rosé « partisan », charnu, frais et élégant, le Printemps d’Amandine, loin des pâles standards... Puis en rouge, le Peiriacum, petit vin fruité et léger, et le Parfums d’Eté, Fragrances Oubliées et Qui m’aime me suive en AOC Corbières. Enfin, quelques raretés comme un pur Carignan de vignes centenaires ou encore l’Harmonie d’Automne, une vendange tardive du nom de ma sœur…
Pouvez-vous nous décrire vos Corbières ?
Pour les rouges, on commence avec Parfums d’été. Ici, ces parfums sont ceux de la garrigue : le thym, le romarin, etc. C’est le Grenache qui amène ça, et puis il y a peu de fruit aussi. Très consensuel, il marche à tous les coups ! Les Fragrances oubliées jouent à fond la carte de la Syrah maritime, qui donne un côté cassis confituré et un peu poivré, très élégant et un peu plus corsé. Vient ensuite Qui m’aime me suive, une sélection de nos vieilles vignes, dont des Carignan de 60 ans. On retrouve dans ce vin l’opulence du Grenache, la fraîcheur en bouche du Carignan, la sagesse des vieilles vignes, une belle puissance bien fondue avec des notes de garrigue, de fruits mûrs et un petit côté réglissé. Ce dernier a reçu 2 étoiles au Guide Hachette 2021.
Un mot sur votre blanc et votre rosé Corbières ?
Le blanc est ultra charmeur, floral, fruité, sur des notes exotiques et fait pour être partagé.
Le rosé est un assemblage de Grenache que je fais en saignée (pour exprimer son côté charnu et aromatique) et de grosses grappes bien juteuses de Mourvèdre que je travaille en pressurage direct pour amener de la fraîcheur et une touche florale qui vient tendre les rondeurs du Grenache.
Comment le terroir influe sur vos vins ?
Amandine, la fille : Nos Corbières maritimes bénéficient de beaucoup d’entrées marines qui contribuent à la salinité, la fraîcheur et la tension de nos vins.
Avez-vous des projets de développement ?
Amandine, la fille : J’ai racheté une vieille ferme, et voudrais déménager la cave là-bas. La cave actuelle date de 1847. Nous avons volontairement de nombreuses de petites cuves, l’idée étant de conserver le plus longtemps possible de petits lots séparés en sélection parcellaire pour avoir une palette de profils différents jusqu’à l’assemblage. Un peu à la manière d’un peintre, nous utilisons des couleurs différentes pour pouvoir aller chercher notre propre couleur
Qu’est-ce qui vous fait rêver ?
Amandine, la fille : Ce qui me fait rêver, c’est d’arriver à vivre de mon métier, ici sur le territoire de mes ancêtres. Une histoire de racines ! Ce n’est pas encore gagné, il faut se battre tous les jours… Mon rêve serait de pouvoir développer mon projet sur la nouvelle ferme : nouvelle cave, création de gîtes, développement de l’éco et œnotourisme. Nous avons tout de même une chance folle ! Alors que les gens viennent en vacances ici, nous y habitons ! On a une qualité de vie phénoménale. Les confinements, on ne les sent presque pas passer. Les vignes, elles par contre, ne sont pas confinées .
Avez-vous toujours voulu être vigneronne ?
Amandine, la fille : A l’époque, je tirais au flanc… Ma sœur aidait mes parents à la vigne, et moi je partais voir les copains.
Henri, le père : Avec mon épouse, nous n’avons jamais pensé qu’Amandine deviendrait vigneronne ! Mais un jour, nous étions sur un salon à Paris. Amandine était là et ses copines de lycée, en étude, sont arrivées. Comme Amandine était occupée, je suis allé discuter avec ses amies et j’ai appris à ma grande surprise qu’elles avaient toujours su qu’Amadine serait vigneronne ! Elle l’avait décidé depuis ses 13 ans, m’ont-elles confié ! Notre fille avait juste oublié de nous mettre au courant…
Quels sont vos prochains événements ?
Nous aimons partager nos vins à l'occasion d'événements au domaine : le Pique-Nique Vigneron le 13 mai cette année, la fête des Vendanges en octobre... et une très belle fête cet été pour nos 20 ans !! Les infos sont sur notre site internet !