Château Gléon
RENCONTRES VIGNERONNES
Château Gléon
Philippe Montanié, vigneron au Château Gléon, est le dépositaire d’un extraordinaire héritage patrimonial. En témoigne la chapelle wisigothique qui se trouve sur des terres datant du VIème siècle et encore debout ! Et cependant les véritables vedettes des lieux demeurent les vins de Gléon.
Quelle est l’histoire du Château Gléon ?
Gléon fut d’abord une villa gallo-romaine nommée Villa Ad Clivum. Puis lorsque Charles Martel vainquit l’occupation arabe, il fallut « repeupler » les Hautes Corbières. Charlemagne descendit donc à Tolède et s’en revint accompagné de seigneurs wisigoths. L’un d’entre eux fut installé à Gléon, en « deuxième ligne » de frontière avec l’Espagne, et fait Vicomte de Narbonne et Comte de Durban. Cette famille seigneuriale demeura à Gléon jusqu’en 1848. Cette année-là, le Marquis de Gléon fut assassiné avec son fils. C’est alors que la Marquise vendit les terres… Mon arrière arrière arrière-grand-père, qui était docteur à Durban, acheta la propriété.
Y a-t-il toujours eu de la vigne à Gléon ?
La culture de la vigne en tant que monoculture, ici sur le comté de Durban, a démarré en tant que vins rouges de garde vers 1850, avec l’arrivée du chemin de fer. Avant cela, il y avait bien de la vigne à Gléon, mais elle était plutôt destinée à l’autoconsommation. On élevait surtout des moutons, on exploitait les chênes verts pour le tain, et on cultivait de la luzerne pour sa graine.
Quand avez-vous repris le domaine ?
Mon père et moi sommes arrivés en 1982, quand mon grand-père a pris sa retraite. Nous avons alors entrepris une restructuration complète du vignoble et du domaine.
La vigne est-elle votre activité principale ?
Oui, je m’occupe de tout au domaine : des vignes, de l’administratif, de la vinification, du conditionnement et de la commercialisation. Je suis un artisan complet, une sorte d’artiste ! Et j’ai la chance de recevoir de l’aide de mon père, qui est à la retraite mais s’occupe toujours de beaucoup de papiers, ainsi que de ma femme qui s’occupe des saisies. Une aventure familiale !
Êtes-vous vignerons de père en fils chez les Montanié ?
Oui, les Montanié sont vignerons depuis toujours et nous sommes à Gléon depuis 6 générations. Avant moi, ils ont chacun exploité la propriété à leur retraite. Mon père était pilote dans la marine en Nouvelle-Calédonie, où mon arrière-grand-père avait fait de la prospection de mines de nickel… Je suis le premier à être arrivé aussi jeune à la tête de l’exploitation.
Mais vous ne faisiez pas de vin en Nouvelle-Calédonie…
Non, je travaillais dans la station expérimentale de Port Laguerre. Il y avait très peu d’agriculture sur l’île, donc on essayait de réintroduire la culture des agrumes. Puis, à l’appel de mon grand-père, nous sommes rentrés en France à Gléon pour prendre la relève.
Quels changements avez-vous apporté au domaine à votre arrivée ?
Nous avons mené de front trois chantiers : le ré-encépagement des parcelles existantes, l’agrandissement du vignoble avec choix de l’implantation de ces nouveaux tènements et la réfection de la cave en mettant en place de nouvelles gestions de vinification. Nous avons planté beaucoup de Syrah, du Mourvèdre aussi, et renouvelé presque tous les Grenache. Après avoir défriché la garrigue, nous avons refait tous les chemins et réalisé un boisement de plus de 80 ha. Nous sommes ainsi passés d’un vignoble de 27 à 50 ha sur les 300 ha que compte le domaine.
Comment se présente votre vignoble ?
Nous cultivons les raisins sur des sols variés - des sols argilo-calcaires en bas de coteaux et des terrasses de schiste – car notre vignoble démarre à 30 mètres d’altitude pour culminer à 350 mètres. Nous avons 50 hectares réparties sur des îlots assez grands, entourés par la garrigue, avec une moyenne de surface parcellaire de 4 hectares.
Quels vins produisez-vous en Corbières ?
Nous avons quatre Corbières rouges dont une nouvelle cuvée bio et un Corbières rosé également certifié bio.
Quel est le profil aromatique des vins de Gléon ?
Nous faisons des vins au profil aromatique puissant, alliant structure et vivacité dans un écrin de finesse et d’élégance. Tout notre vignoble situé dans la vallée de la Berre se trouve sur le versant Sud, donc nos vins sont gorgés de soleil avec de belles couleurs soutenues. Nous sommes la première propriété du secteur de Durban, et aussi la dernière à bénéficier à 100 % du climat méditerranéen.
Comment procédez-vous pour la vinification ?
Tout notre Carignan est vinifié en macération carbonique. La cave a été construite pour cela à l’époque : de plain-pied par rapport aux vignes, elle permet aux tracteurs de vider directement le raisin dans les cuves. Quant aux Syrah, Grenache et Mourvèdre, on effectue un égrappage classique et une pré-fermentaire à froid pour nos cuvées fruitées. Nos vins de garde haut de gamme bénéficient d’une longue macération.
Que faites-vous pour protéger l’environnement de Gléon ?
Notre vignoble est intégralement bio : nous entretenons les points d’eau aux abords des vignes et les murets de soutènement des terrasses en pierres sèches qui représentent de bons refuges pour la faune locale. Nous vignes étant dispersées sur divers îlots au milieu de la garrigue, le vignoble présente une biodiversité tout à fait naturelle.
Exportez-vous en Nouvelle-Calédonie, où vous avez vécu ?
Non, pas en Nouvelle-Calédonie… Mais l’export en général représentait 80 % de notre production jusque dans les années 2000. Cette situation tenait au fait que nous n’avions pas de réseau commercial en France. Pour y remédier, avec des amis vignerons d’autres appellations du Languedoc (Minervois, Cabardès, La Clape, Faugères, Pic Saint Loup, Fitou, Côtes du Roussillon), nous avons créé une société commerciale. Aujourd’hui, nous employons un responsable commercial qui gère des agents sur l’ensemble de la France. Ainsi, le rapport s’est inversé : nous vendons aujourd’hui 20% de notre production à l’export et 80% en France.
Un dernier mot sur votre domaine familial ?
Une chapelle wisigothique se trouve sur la propriété. Nous avons donc le rare privilège de pouvoir nous faire baptiser et nous marier sur nos terres. A l’intérieur de cette chapelle, la pierre de fondation est intacte. Ses inscriptions indiquent que les propriétaires des lieux – mari et femme - se convertissent à la chrétienté et ils font vœu de construire cette chapelle. Cela remonte à l’an 600 environ… Dans la chapelle, est aussi conservée une vierge en marbre, avec en-dessous les armoiries de la famille de Narbonne. Le fait qu’elle présente un livre indique clairement qu’il s’agit d’une vierge hérétique ! Et donc qu’il s’agissait d’un site cathare…