Delphine Maymil et Éric Virion
RENCONTRES VIGNERONNES
Delphine Maymil et Éric Virion
Interview de Delphine Maymil et Éric Virion du Château Maylandie
Delphine Maymil et Éric Virion, partenaires à la vigne comme à la ville, sont les deux acolytes qui se trouvent derrière les jolies bouteilles de vin du château « Maylandie », situé à Ferrals-les-Corbières. Il y a 2 ans, ils fêtaient déjà les 30 ans d’existence de ce jeune domaine qui a déjà tout d’un grand !
D’où vient le mélodieux nom de « Maylandie » ?
Delphine : Il provient de la contraction des noms de famille de mes deux parents, Jean Maymil et Anne-Marie Landrodie. A l’époque où mes grands-parents paternels ont acheté le domaine, il comptait 30 hectares de vigne et un bâtiment. Cela constituait un placement financier et représentait leur future occupation, lorsqu’ils seraient à la retraite.
En quelle année la première cuvée du château Maylandie a-t-elle vu le jour ?
Delphine : Mes parents ont repris le domaine en 1975. Ils envoyaient alors leurs raisins à la cave coopérative. C’est seulement en 1987, soit deux ans après que les Corbières se soient constituées en AOC, que mon père s’est mis à vinifier ses propres cuvées. Le domaine a donc fêté ses 30 ans l’an dernier !
Vous destiniez-vous à reprendre le flambeau du domaine familial ?
Delphine : Mon frère était destiné à reprendre l’exploitation, pas moi… Mais finalement Éric et moi avons repris le domaine ensemble en 2007, parce que mes parents avaient besoin d’aide. Pour ma part, je travaillais dans la communication culturelle, et j’ai notamment passé 2 ans et demi au musée d’art moderne de Céret. Cela me plaisait…
Avez-vous pris goût au métier, et au fait de travailler en duo ?
Éric : Absolument. Delphine s’occupe naturellement de la communication et de la commercialisation professionnelle, tandis que je suis en charge de la gestion, du travail de la vigne et de la commercialisation grand public. Et nous vinifions tous les deux.
Avez-vous trouvé la transition difficile ?
Éric : Je n’avais quasiment jamais mis les pieds à la vigne avant l’âge de 32 ans ! Mais je me suis formé au fur et à mesure grâce à des conseillers œnologues et viticoles, à travers les discussions que j’ai pu avoir avec d’autres vignerons, mais aussi mes lectures personnelles.
Quelle est la production du domaine aujourd’hui ?
Éric : Nous possédons 27 hectares, qui produisent à 90% en Corbières et Corbières-Boutenac et 10% en IGP. Nous exportons plus de 30% de la production, principalement vers l’Europe (Belgique, Allemagne et République tchèque), les Etats Unis, l’Australie et la Chine.
Qu’avez-vous changé depuis que vous êtes aux manettes du domaine ?
Delphine : Nous avons cherché à étoffer la gamme, et fabriquer des vins aux profils variés. Nous aimons le fruit et cherchons à le mettre en valeur selon notre crédo fruit-fraîcheur-équilibre. Nous avons vinifié séparément les parcelles pour mieux savoir comment chacune réagissait et apprendre à connaître notre raisin. Aussi aujourd’hui, nous imaginons et adaptons chaque cuvée aux capacités de la vigne.
Qu’est-ce qui guide vos décisions ?
Éric : C’est l’avis du grand public qui nous permet d’orienter nos choix. En faisant les salons, nous nous sommes par exemple rendu compte qu’il nous manquait un blanc à boire en hiver, et avons par conséquent créé un vin vinifié en barrique, positionné dans le haut de notre gamme. Nous avons aussi créé les cuvées « Exquises » afin de répondre à une demande de milieu de gamme sur les salons, et retravaillé notre entrée de gamme « Le Cabanon », des vins souples et faciles à boire, très axés sur le fruit. Enfin, « Villa Ferrae », la cuvée phare du domaine, créée il y a 20 ans, a subi de légères modifications : on laisse davantage mûrir les raisins et l’élevage se fait en 100% bois neuf sur une partie seulement de l’assemblage.
Comment se caractérise votre travail de la vigne et du vin ?
Éric : On s’adapte aux outils comme aux vignes ! Nous ramassons tôt, gérons le froid avec beaucoup de soin, n’extrayons pas beaucoup et n’effectuons pas de pigeage, seulement un petit remontage et un peu de délestage.
Comment vivez-vous votre métier de vignerons ?
Delphine : Bien ! Car d’une part, j’ai toujours voulu exercer un métier créatif, et d’autre part, j’aspirais à vivre entre mer et montagne, à la campagne. J’ai commencé à boire du vin assez tard, et fini par réaliser que vigneron est un métier de création.
Éric : C’est un métier d’excessif qui demande une forte implication. Il y a tellement de facettes… Et puis les échelles de temps sont très longues pour un vigneron, contrairement à ce qui se passe pour un brasseur. Quand on fait un choix de fertilisation ou d’entretien des sols, on n’obtient le résultat que plusieurs années plus tard.
Qu’est-ce qui vous chagrine le plus dans votre quotidien ?
Delphine : Le plus dur est de dépendre des conditions climatiques. Rappelons que nous avons connu la sécheresse et le gel sur les 2 dernières années et l’humidité cette année !
Eric : Je trouve que l’on ne valorise pas assez les produits. Une meilleure rentabilité permettrait d’y voir plus clair, et d’aborder les sujets avec plus de sérénité.
Et qu’est-ce qui vous plaît le plus ?
Delphine : Cela me permet de voyager et de rencontrer du monde. Il s’agit d’un métier convivial et de partage. Mais ce qui me plaît le plus, c’est la partie créative.
Éric : C’est la variété du métier de vigneron qui fait sa richesse. On travaille avec ses mains et sa tête, dedans ou dehors, en France ou à l’étranger, et on crée un contact sympathique avec les clients.
Crédits photos
Le point @Pierre Mérimée
EH @Edouard Hannoteaux