Château Cabriac
RENCONTRES VIGNERONNES
Château Cabriac
Jean de Cibeins et son gendre Philippe Hingre, vignerons au château Cabriac à Douzens, sont en pleine transition : passage de relais à la nouvelle génération, conversion bio, réflexion profonde sur le développement futur... Focus sur un château en pleine modernisation, dont les nobles origines se perdent dans la nuit des temps !
Que se passe-t-il au château Cabriac en ce moment ?
Jean : Nous sommes en train mon épouse Michèle et moi-même, de passer le relais à Philippe. Philippe est ingénieur, il a souhaité s'investir dans la viticulture et pour cela a fait un BTS Viti Oeno à Macon-Davayé. Nous exploitons sur Cabriac 80 hectares, dont 45 sont classées AOC.
Philippe : Je suis arrivé à plein temps début 2020, c’est-à-dire 2 mois avant l’apparition de la Covid. Plus de salons ni de rencontres avec les cavistes… Le timing aurait pu être meilleur ! Mais les affaires reprennent : 2 récentes commandes importantes du Japon et du Canada nous encouragent.
A quand remonte votre lien avec Cabriac ?
Jean : L’existence du domaine remonte à la nuit des temps. Il y eut d’abord une villa romaine à Cabriac, comme en témoignent divers vestiges du 4ème siècle. Ensuite le domaine a appartenu à une famille originaire de Douzens qui en fit cadeau à la fin du XII ième siècle aux Templiers (vers 1180) comme cela se faisait souvent à cette époque.
Des manuscrits mentionnent que Cabriac possédait de la vigne du temps des Templiers, et que celle-ci était bien adaptée au terroir.
Ces derniers, Templiers-Hospitaliers, restèrent propriétaires du Domaine de Cabriac jusqu’à la Révolution.
Le domaine fut alors confisqué et vendu. Par les diverses successions intervenues, les avant-derniers propriétaires furent la famille Berlioz avec la marquise de Puivert, également propriétaire à cette époque d'une partie de l'Abaye de LAGRASSE. Cette dernière, décédée sans descendance, le légua à ses neveux, la famille de CIBEINS, actuelle propriétaire des lieux.
Vous destiniez-vous tous deux à devenir vignerons ?
Jean : J’ai fait des études d’ingénieur en hydraulique et électrotechnique, puis travaillé comme ingénieur dans le bâtiment et l'aménagement urbain pendant quelques années. Mais très vite, j’ai été rattrapé par le virus familial !
Philippe : Comme vu plus haut j'ai une formation d'ingénieur et j'ai travaillé dans un groupe filial de l'EDF chargé de l'approvisionnement en bois des centrales de chauffage urbain de la région parisienne. Mais j'ai été attiré par ce métier complexe qu'est la viticulture et l'oenologie. C'est ce qui m'a décidé de faire une formation de BTS en Viti-Oenologie à Macon-Davayé.
Faites-vous uniquement de la bouteille ?
Jean : Mon père était très réticent à cette idée, mais j’ai décidé de me lancer au début des années 80. Cabriac a donc été pionnier sur ce marché. N’ayant aucune concurrence locale, notre expansion fut très rapide, jusqu’à la crise du milieu des années 90 liée à la multiplication des producteurs de bouteilles et l’émergence de la concurrence internationale (Chili, Australie, Afrique du Sud, Nouvelle Zélande, etc.). Depuis lors, notre production de bouteilles a diminuée : on est entre 60 000 et 70 000 bouteilles par an, dont 90% sont exportées.
Comment se présente la gamme de vins Corbières de Cabriac ?
Philippe : Nous avons 3 cuvées en AOC :
- Un rouge haut-de-gamme - Le Prieuré St-Martin – nommé ainsi pour rendre hommage à l’époque des Templiers, qui avaient érigé Cabriac en un prieuré dédié à St-Martin. Il s’agit d’un vin légèrement boisé, à majorité Syrah en sélection parcellaire, qui se caractérise par une belle complexité de fruits noirs et d’épices, arrondie avec du Mourvèdre et du Grenache.
- La gamme Marquise de Puivert, dernière descendante des Berlioz, nommée en référence à la grand-tante de Jean qui légua Cabriac à la famille. Cette cuvée est très marquée par le Grenache qui lui apporte beaucoup de fruit et de fraîcheur, avec des notes d’eucalyptus.
- Un rouge Tradition, fruit de l’assemblage des 4 cépages traditionnels Corbières, avec une dominante Syrah. Il est en train de changer de nom… On vous tient au courant !
Un mot sur votre blanc ?
Philippe : C’est un assemblage Grenache blanc, Vermentino et Roussanne. Entre fruit et fleur… Il possède un nez très floral : aubépine, jasmin… alors qu’en bouche, on retrouve davantage le coing et les agrumes.
Jean : C’est un très bel assemblage, qui donne un blanc aromatique destiné à accompagner beaucoup de mets, à l’apéritif comme durant un repas. Mais nous avons aussi des blancs en monocépages comme le Viognier ou le Vermentino qui sont également très intéressants.
Êtes-vous intéressés par le projet de création de Dénomination Géographique Complémentaire (DGC) ?
Philippe : Nous faisons partie du groupement Montagne d’Alaric, et avons identifié une cuvée qui s’y prête bien : La Marquise de Puivert rouge.
Où en êtes-vous de vos initiatives environnementales ?
Jean : Nous sommes certifiés HVE3 depuis 2016, nous avons été parmi les premiers certifiés en Corbières.
Philippe : Depuis 2 ans, 17 hectares de Corbières sont en conversion bio, ce qui correspond à un cinquième du vignoble. Nous y allons par étape car 80 hectares d’un coup, cela nous semblait un peu risqué ! On commence aussi à mettre en place des actions qui tendent vers le bio sur l'ensemble du Domaine : nous avons deux interceps que nous utilisons pour désherber.
Quels sont vos projets et vos rêves ?
Philippe : Je souhaite aller au bout de la démarche bio. C’est un rêve, mais aussi presque une obligation car la demande est très forte sur les marchés.
Jean : Nous avons aussi prévu de nous équiper. De gros efforts d’investissements ont été faits dans le vignoble ces dernières années, qui nous permettent d’avoir un vignoble globalement jeune et bien diversifié au niveau de l'encépagement. Désormais, c’est la cave qui doit faire l’objet d’investissements afin de pouvoir faire de meilleures sélections parcellaires. Avec notre encépagement, nous avons un potentiel extraordinaire !