Laurence Rigal
RENCONTRES VIGNERONNES
Laurence Rigal
Interview de Laurence Rigal du château Grand Caumont
Laurence Rigal, vigneronne au Château Grand Caumont, fait la navette entre Paris où elle élève ses 2 filles, et un domaine familial de plus de 100 hectares. Portrait d’une femme de caractère, qui rend un touchant hommage à sa mère, tombée follement amoureuse des Corbières et véritable « architecte » du Grand Caumont moderne.
De quand date la création du domaine ?
Le domaine est situé à l’emplacement d’une ancienne villa romaine, dite la Villa Manzanetto. Il s’étendait sur 1000 hectares à l’époque, et la polyculture était de mise. L’histoire du domaine présente ensuite malheureusement quelques « blancs », mais on sait qu’au IXe siècle, Charles le Chauve a offert le domaine à son neveu, puis qu’à la Révolution Française, le château a brûlé. Une tour du XVème siècle a subsisté ainsi qu’un portail d’époque, mais la maison qui a été reconstruite date du XIXème siècle. Ensuite, c’est à un certain M. Sarda que l’on semble devoir la construction de la cave et la transformation des lieux en un véritable domaine viticole.
A quel moment le domaine est-il passé aux mains de votre famille ?
C’est mon grand-père, un Aveyronnais, qui a acheté le domaine en 1906. A ce moment, il avait déjà créé la société des Roquefort Rigal, dans son Aveyron natal. Il a conservé cette société, et dès lors travaillé en double activité.
Pourquoi avoir choisi la vigne dans les Corbières, puisqu’il était aveyronnais et producteur de fromage ?
Mon grand-père était fils de vigneron. Il est en quelque sorte revenu à ses origines. Et puis ma mère, qui était pour sa part d’origine normande, a eu un coup de foudre pour cet endroit. Elle avait 21 ans de moins que mon père, et c’est elle qui a vraiment pris le domaine en main. Sans aucune connaissance dans la vigne, cette femme de caractère s’est faite autodidacte et s’est pris de passion pour ce nouveau métier. Elle a arraché, replanté et ré-encépagé le domaine, rénové la cave et commencé la commercialisation bouteille.
De quand date la commercialisation en bouteilles ?
Elle date de la fin des années 70. Jusqu’alors, mon grand-père puis mon père s’occupaient du domaine en exerçant tous deux des activités parallèles, et produisaient du vrac.
Pourquoi avez-vous décidé de reprendre le flambeau ?
J’ai été élevée à Paris, tandis que ma mère faisait des aller-retour entre Paris et le domaine à Lézignan. Pour ma part, j’ai suivi des études à Sciences-Po et travaillé dans la publicité pendant plusieurs années. Puis quand Maman a commencé à montrer des signes de fatigue, j’ai tout arrêté et repris la gestion du domaine. C’était en janvier 2003.
Êtes-vous venue habiter sur place ?
Pas complètement… Je passe environ 40% de mon temps sur le domaine et le reste du temps à Paris, où j’élève mes 2 filles. Il était plus facile pour moi de continuer de vivre à Paris. Notamment parce que j’assure une grande partie du travail commercial. Je fais les salons et me déplace régulièrement à l’étranger. Fort heureusement, je peux compter sur la présence à Lézignan de notre maître de chai, Patrick Blanchard, qui travaillait déjà sur le domaine du temps de Maman.
Quelles sont la taille et la production du domaine aujourd’hui ?
Il mesure 102 hectares, et notre production Corbières représente 70% de la production totale. Nous faisons essentiellement de la vente en bouteille, un peu de vente en BIB et, ponctuellement, vendons une faible partie de la récolte en vrac.
Quelle est la répartition des ventes entre la France et l’export ?
Nous travaillons beaucoup à l’export. Notre premier client est le Québec, mais nous exportons aussi vers les pays d’Europe, l’Asie, le Japon, la Chine, les États-Unis... En France, nous traitons avec des grossistes ou en direct avec les restaurateurs et les cavistes en plus de la vente au caveau de dégustation.
Accueillez-vous beaucoup de monde au caveau ?
Nous faisons en sorte que ce soit le cas. Nous recevons le public pour des dégustations au caveau, et proposons également une visite. Notre grande tour carrée, vestige de l’ancien château, offre un très beau panorama sur les environs, et nous l’avons décorée en « musée du vin » où sont exposés divers outils anciens à chaque étage. Une halte par notre « noria », puits en dôme, datant du XIème siècle, est incluse dans la visite.
Quelle est votre gamme Corbières ?
Le rouge prédomine nettement, avec 5 cuvées différentes. Mais nous proposons également un rosé et 2 blancs.
Quelles sont vos cuvées « coup de cœur » ?
Il m’est difficile de n’en choisir qu’une… En fait, je suis dans l’affect avec 3 d’entre elles.
- La première est la cuvée Réserve de Laurence Ma mère l’a créée pour mon mariage, en 1998 à Caumont. Une jolie surprise qui m’attendait sur la table… Cette cuvée est très marquée par la Syrah.
- La cuvée Impatience est emblématique du domaine. Elle est nommée ainsi en l’honneur de ma mère, réputée pour son impatience… Il s’agit d’une grande bouteille italienne noire et rouge, contenant un vin très rond et velouté. Nous en produisons entre 50 0000 et 80 000 bouteilles par an, très prisées au Québec.
- Enfin nous avons créé en 2017, avec le millésime 2015, notre grande cuvée Capus Monti, baptisée ainsi du nom latin de la petite colline située à l’entrée de Caumont. Fruit d’une sélection parcellaire et d’un minutieux travail de vinification, ce vin passe à 100% en barrique pendant 12 mois. Nous en produisons moins de 3000 bouteilles par an, avec notre meilleure Syrah et nos plus vieux Carignan.
De manière générale, comment qualifieriez-vous les vins du Château Grand Caumont ?
Nos Corbières étant toujours partiellement issus de macérations carboniques de vieilles vignes de Carignan et partiellement élevés en barrique, ils sont modérément boisés et se révèlent plutôt ronds, souples, élégants, veloutés. Ce sont des vins de charme.
Le mot de la fin ?
Je tiens à saluer la « super équipe » qui m’entoure, et qui se défonce malgré les conditions rendues difficiles par la crise du Covid-19. Patrick et l’équipe assurent remarquablement en mon absence !