Daniel Sendrous
RENCONTRES VIGNERONNES
Daniel Sendrous
Interview de Daniel Sendrous du Chai des Vignerons
Daniel Sendrous, président du syndicat AOC Corbières depuis février 2017, est aussi à la tête de la plus ancienne cave coopérative de l’Aude, celle de Lézignan-Corbières. Créée il y a plus d’un siècle (en 1909), elle continue de produire des vins de qualité croissante grâce à la volonté de ses 104 adhérents.
Le métier du vin est-il pour vous un choix délibéré ou un héritage familial ?
Les deux à la fois. Il se trouve que mes parents avaient une vigne dans la région du Lézignanais, ce qui m’a mis sur la voie. Mais j’ai eu une première vie avant de devenir vigneron….
Quelle est votre formation initiale ?
Je viens du secteur de la métallurgie. Au terme de mes études à l’école aérospatiale à Toulouse, j’ai reçu une proposition d’embauche dans la même ville, que j’ai refusée. Lézignanais de souche, j’étais et demeure très attaché à mon terroir d’origine ! Alors je suis revenu sur Lézignan où accepté un poste de chaudronnier dans une entreprise spécialisée dans le travail des vignes. Et j’y ai passé 20 ans en tant que chef d’atelier !
Qu’est-ce qui vous a décidé à quitter ce poste pour devenir vigneron ?
J’ai toujours aimé la nature, la vie en extérieur, et j’étais familiarisé avec la vigne car mon précédent métier m’avait permis d’équiper un certain nombre de vignobles en matériel viticole. Puis j’ai eu l’opportunité de racheter des vignes. Après 20 ans passés en atelier, presque toujours à l’intérieur, cela représentait pour moi un nouveau souffle. Alors j’ai franchi le pas.
Avec du recul, pensez-vous avoir fait le bon choix ?
Oui, parce que j’aime mon métier. Et la viticulture, il faut l’aimer ! Sinon on travaille mal et on commet des erreurs… Comme me l’a enseigné un ancien adhérent de la cave coopérative aujourd’hui retraité, « la vigne est comme une femme. Si tu t’en occupes bien, elle te le rend bien ».
Comment avez-vous structuré votre activité de vigneron ?
Je suis associé avec mon beau-frère en GAEC, et nous exploitons 30 hectares. Comme il est mécanicien de formation, son savoir-faire se révèle très utile pour l’exploitation. Cela nous permet d’avoir une autonomie assez forte sur le plan du matériel. Et récemment, mon fils a rejoint l’entreprise à mi-temps, pour travailler sur la propriété.
Avez-vous immédiatement adhéré à la coopérative de Lézignan ?
Oui, dès l’année 1999, date à laquelle je me suis installé en tant que vigneron. Et j’en suis le président depuis 2001.
Quelles sont vos responsabilités à la cave ?
En réalité, mes fonctions vont au-delà du rôle traditionnel de président. Cela tient au fait qu’en 2013, notre ancien directeur a pris sa retraite et que nous ne l’avons jamais remplacé. J’ai délégué une partie de ses attributions à un collaborateur sur un poste administratif, une autre partie à quelqu’un d’autre sur un poste de vinification, et je chapeaute en quelque sorte la prise de décisions. En résumé, notre trio pilote la cave.
Quelle est la taille de la cave ?
Il s’agit d’une petite structure. Nous possédons 440 hectares et produisons entre 20 000 et 25 000 hectolitres par an, dont 7 000 en AOC Corbières et en IGP. Notre moyenne de production se trouve assez basse, surtout sur ces 2 dernières années… Nous sommes à moins de 50 hecto/ha. Quatre personnes travaillent à la cave à temps plein, sans me compter.
Quel est le profil des adhérents ?
Nous comptons 104 adhérents coopérateurs aux profils variés. Parmi eux, se trouvent de nombreux « petits apporteurs », et une vingtaine de vignerons qui en vivent, dont je fais partie. Comme dans toutes les entreprises du Languedoc, la moyenne d’âge est assez élevée. Nous n’avons pas suffisamment de jeunes !
Avez-vous une stratégie destinée à attirer une population plus jeune ?
La cave a adhéré au programme Terrarural, piloté par Chambre de l’Agriculture. Il s’agit de recenser les vignerons susceptibles de laisser des vignes sur le pourtour du Lézignanais et près de Conilhac-Corbieres, et de mettre en face de jeunes gens désireux de les reprendre ou d’agrandir leur exploitation.
Comment se compose la gamme de la cave ?
Nous vendons surtout du rouge (75%), mais aussi un peu de blanc (10%) et de rosé (15%). Pour répondre à la demande de nos clients, qui sont les habitants du grand Lézignanais et les touristes pendant la période estivale, nous proposons délibérément un grand nombre de références en bag-in-box (bib) de 5L et 10L : 3 IGP rouge, 2 IGP blanc, 2 IGP rosé et un AOC rouge. Mais nous vendons aussi du vin en bouteilles, dont 5 rouges, un rosé et un blanc en AOC Corbières.
Quelle est votre politique de prix concernant les vins AOC Corbières ?
Notre gamme de prix s’étend de 4,50€ à 12€. Nous avons pour objectif de les augmenter, mais il s’avère difficile de le faire du jour au lendemain. Aussi nous procédons à des hausses progressives… Il en va de même pour le vrac : nous nous réunissons une à deux fois par an pour décider d’un prix plancher en dessous duquel nous refusons de vendre. Cela nous permet de voir nos prix augmenter selon une courbe régulière d’année en année, sans déstabiliser le marché ni perdre de parts de marché.
La vente directe au caveau est-elle votre unique canal de distribution ?
Non, car nos exportations se développent progressivement en Allemagne, à Hong-Kong et en Chine. Nous gagnons notamment des parts de marché sur les vins AOC Corbières.
Qu’est-ce qui vous a poussé à briguer la présidence du syndicat des vins de Corbières ?
J’étais au Conseil d’Administration depuis 2005 environ. Et selon les règles du syndicat, il doit y avoir une alternance au niveau de la présidence entre les particuliers et les coopérateurs. Je n’envisageais pas particulièrement de devenir président, mais j’ai été porté par les coopérateurs, et finalement accepté cette mission.
Quelle a été votre première démarche ?
Nous avons organisé un séminaire stratégie pendant l'été 2017, destiné à faire parler tous les intéressés afin de déterminer ce que le Conseil d’Administration dans sa globalité désirait pour les vins de Corbières.
Qu’est-il ressorti de cette réflexion commune ?
Un plan a été mis en place, que l’on pourrait découper en 4 parties :
- Faire en sorte que l’appellation Corbières retrouve une place de choix dans la hiérarchie des appellations du Languedoc. Nous avons donc modifié notre cahier des charges pour qu’il soit plus restrictif que celui du Languedoc (rendement, encépagement, etc.)
- Redorer l’image des Corbières par des actions concrètes : présentation des vins à des journalistes, présence sur les salons avec des stands à la hauteur et amélioration constante de la qualité.
- Mener à bien le projet de création de dénominations géographiques complémentaires (DGC), à l’image de ce qu’est Boutenac. Durban est sur le point de voir le jour, et 3 autres - Lézignan, Lagrasse et Alaric - devraient suivre, l’objectif étant d’établir une dynamique en Corbières en hiérarchisant certaines zones.
- Communiquer au sujet de la richesse organoleptique des vins issus des divers territoires de Corbières, avec l’aide d’un cabinet de recherche dépendant de l’INRA. Notre terroir s’étend en effet sur 10 000 hectares de la mer jusqu’à l’Alaric. Le but est de démontrer, thèses de chercheurs à l’appui, que chaque cépage s’épanouit différemment selon la diversité des sols.
Quel est votre rêve pour les Corbières ?
Je voudrais voir nos vins retrouver leur place dans la hiérarchie du Languedoc et afficher des prix rémunérateurs pour les adhérents, afin d’assurer la pérennité des superficies exploitées. Rappelons qu’en 40 ans environ, le Languedoc a perdu plus de 15 millions d’hectolitres. Dans les années 80, il produisait environ 30 millions d’hectolitres, contre moins de 12 millions aujourd’hui.
Etes-vous confiant dans la capacité des Corbières à retrouver leur juste place ?
J’ai bon espoir que nous y arriverons, car on arrive progressivement à un certain équilibre entre l’offre et la demande, et des efforts sont effectués dans toutes les entreprises des Corbières de manière à ce que l’on n’ait pas à rougir de la qualité de nos vins. Aujourd’hui, nous nous situons parmi les meilleures appellations au niveau du rapport qualité/prix. Certaines de nos bouteilles à 10€ valent des vins d’autres bassins de production qui se vendent à 40 € et plus. Il commence à y avoir une reconnaissance du consommateur. C’est un critère à prendre en compte.
Quel regard posez-vous sur le travail effectué par le syndicat depuis votre arrivée à la présidence ?
Je suis assez content du travail effectué par les 40 administrateurs du syndicat et de la sincère implication d’un nombre important d’entre eux. Les dossiers sont parfois portés directement par des administrateurs. C’est le cas du dossier agroenvironnemental, qui est géré par commission volontaire. Cette implication directe ne se faisait pas toujours auparavant. Or, cela est fondamental pour l’image collective au sein du Conseil d’Administration. Enfin, je suis également très heureux du travail quotidien effectué par toute l'équipe du syndicat, qui œuvre inlassablement et assidument pour répondre aux objectifs et à la feuille de route du Conseil !